Ces villes qui taxent la densité urbaine
Un nombre croissant de municipalités de la grande région de Montréal imposent des taxes foncières plus élevées aux bâtiments résidentiels comptant six logements ou plus, comparativement aux immeubles de moins grande taille. Et certaines villes réclameront l’an prochain une redevance de plusieurs milliers de dollars pour la construction de chaque nouveau logement sur leur territoire. Des mesures qui pourraient nuire aux locataires, en plus de décourager l’aménagement de bâtiments denses, préviennent des associations de propriétaires et de constructeurs.
Les municipalités peuvent imposer à leur convenance un taux de taxation plus élevé aux bâtiments résidentiels de six logements ou plus sur leur territoire, le tout en vertu d’un article de la Loi sur la fiscalité municipale. Et au moment où les villes font face à des défis financiers importants, elles seraient de plus en plus nombreuses à y avoir recours.
Un document réalisé par la firme Aviseo pour le compte de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) recensait 136 municipalités québécoises imposant, en 2020, des taxes foncières plus élevées aux grands bâtiments locatifs. Depuis, d’autres s’ajoutent à la liste. Ce sera notamment le cas l’an prochain de Terrebonne et de Saint-Jean-sur-Richelieu, a constaté Le Devoir.
À Terrebonne, par exemple, la hausse des taxes foncières sera de 11,38 % pour les propriétaires d’immeubles résidentiels de six logements et plus (contre un taux moyen de 5,94 % pour les bâtisses de plus petite taille). « Il y a certains groupes de propriétaires de grands logements qui sont capables de faire une contribution supplémentaire » afin d’aider la Ville à « payer les infrastructures municipales », a fait valoir le maire Mathieu Traversy en entrevue jeudi.
La Ville de Laval applique quant à elle dans son dernier budget un taux de taxation environ 14 % plus élevé aux grands bâtiments résidentiels, un pourcentage qui est de 12,5 % à Mascouche et de près de 29 % à Chambly.
Un fardeau pour les locataires ?
Cette situation préoccupe tant la CORPIQ que l’Association des propriétaires du Québec (APQ), qui rappellent que ce sont les locataires de ces bâtiments denses qui écoperont des hausses de taxes plus élevées que recevront leurs propriétaires l’an prochain. Ces augmentations peuvent effectivement se transformer en hausses des loyers en vertu des critères du Tribunal administratif du logement.
« Il faudrait donner un petit cours 101 à l’intention de nos maires et mairesses pour leur montrer la méthode de fixation des loyers pour qu’ils arrêtent de dire qu’en mettant en place une taxe, ils visent les richissimes propriétaires », laisse ainsi tomber le président de l’APQ, Martin Messier.
Certaines villes, dont Chambly et Mascouche, ont quant à elles fait valoir au Devoir que la hausse de la valeur foncière des grands bâtiments résidentiels a été plus faible que celle des plus petits édifices dans leur dernier rôle — ce qui justifie selon elles d’imposer des taxes plus élevées à ces immeubles, par souci d’équité.
La Ville de Montréal applique quant à elle le même taux d’imposition à tous les types de logements résidentiels. Des discussions sont cependant en cours en coulisses avec le gouvernement du Québec afin que ce dernier permette à la métropole d’aller dans le sens contraire des autres villes — et baisser le taux d’imposition des bâtiments de six logements et plus — , a appris Le Devoir.
La présidente du comité exécutif, Dominique Ollivier, espère d’ailleurs qu’un projet de loi sera présenté par Québec en ce sens l’an prochain. La métropole espère ainsi réduire le fardeau de ses résidents locataires, qui se retrouvent majoritairement dans ces bâtiments de plus grande taille, explique Mme Ollivier.
Taxer la construction
Des villes prévoient aussi imposer l’an prochain, pour la première fois, une redevance aux constructeurs pour chaque nouveau logement aménagé sur leur territoire, a constaté Le Devoir. Celle-ci atteindra 5000 $ par porte à Terrebonne l’an prochain. À Repentigny, elle variera de 1000 $ par logement (pour les immeubles de 4 à 11 unités) à 2500 $ par logement (pour les immeubles de plus grande taille).
À Terrebonne, cette mesure vise à financer l’entretien des infrastructures municipales mises à l’épreuve par le développement immobilier rapide.
La Ville de Repentigny entend pour sa part utiliser l’argent de ces redevances pour aménager des logements sociaux sur son territoire ; le maximum qu’un promoteur immobilier devra payer en redevances pour un projet sera de 250 000 $. « On veut faire des logements sociaux et, on le sait, il faut trouver de l’argent », soulève le maire de Repentigny, Nicolas Dufour. « Et ceux qui sont le mieux placés pour contribuer à la cause, ce sont les propriétaires qui en gagnent beaucoup. »
Augmentation des taux: que faire avec votre hypothèque?
La Banque du Canada a décrété mercredi matin la 7e hausse de son taux directeur d’affilée visant à calmer l’inflation; une mesure toutefois difficile pour plusieurs propriétaires.
• À lire aussi: 7e hausse consécutive du taux directeur
• À lire aussi: Prêts hypothécaires: des milliers de personnes au bord du gouffre
• À lire aussi: L’achat local toujours important malgré l’inflation
Le taux directeur, désormais fixé à 4,25%, provoque beaucoup de questionnements chez les emprunteurs.
Quelle stratégie doivent-ils utiliser pour passer au travers de ces moments plus difficiles?
Une chose est sûre, «ce sont vraiment les emprunteurs qui ont un taux hypothécaire à taux variable et une marge hypothécaire qui vont voir leur versement hypothécaire augmenter», explique en entrevue sur LCN, Philippe Simard, directeur hypothécaire au Québec pour Ratehub.ca.
Les propriétaires qui ont un taux d’intérêt variable avec un paiement fixe risquent de faire face à certaines difficultés même si leur paiement ne changera pas.
Par contre ils vont se rapprocher, s’ils ne l’ont pas déjà dépassé, le point de déclenchement, le ‘’trigger rate’’», ajoute le spécialiste.
Ceci arrive lorsque les emprunteurs ne paient plus de capital dans leurs versements hypothécaires, mais uniquement l’intérêt, allongeant ainsi la durée de leur prêt.
«À ce moment, certaines actions pourraient être portées sur leur paiement hypothécaire», précise M. Simard.
Que faire?
«Il y a possibilité d’aller ‘’fixer son taux’’ pour les gens qui ont un taux variable et qui commencent à trouver le budget un peu plus stressant, par contre les taux fixes sont encore élevés aujourd’hui», ajoute le directeur hypothécaire.
«Avec les annonces d’aujourd’hui, curieusement les taux variables seront plus élevés que les taux fixes.»
En moyenne, les taux variables vont se transiger à 5,25% alors qu’on a des taux fixes à 4,74% sur du cinq ans.
Si les emprunteurs pourraient être tentés d’aller vers un taux fixe, ce n’est pas nécessairement la bonne solution, dépendamment de la situation budgétaire de chaque personne.
«On approche du sommet des hausses, on l’a senti dans le ton du gouverneur de la Banque du Canada aujourd’hui. Il ne parlait plus de faire des augmentations, mais de réévaluer les augmentations. Éventuellement, la Banque va rebaisser son taux directeur. Son mandat est de garder l’inflation aux alentours de 2%. Quand ce sera stabilisé, ils vont rebaisser le taux directeur éventuellement.»
Philippe Simard suggère aux emprunteurs qui veulent fixer leur taux d’en sélectionner un sur deux ou trois ans maximum.
«Vous risquez peut-être de manquer la baisse des taux et de ne pas en bénéficier dans le futur», si vous prenez un taux fermé sur une plus longue échéance.
***Voyez l’entrevue complètement dans la vidéo ci-dessus.***
Immobilier: la nouvelle taxe proposée pourrait décevoir
Le directeur parlementaire du budget estime que le gouvernement fédéral pourrait ne pas générer autant de nouvelles recettes fiscales qu’il l’espère de la taxe proposée sur les acheteurs étrangers d’immeubles résidentiels.
Dans le but de calmer un marché locatif en surchauffe au pays, les libéraux ont proposé d’instaurer une nouvelle taxe nationale de 1 % sur la valeur des immeubles résidentiels appartenant à des étrangers non résidents et considérés comme « vacants » ou « sous-utilisés ». Dans le récent budget, le gouvernement a estimé que cette taxe rapporterait 700 millions $ entre 2022 et 2026, une fois les détails finalisés et la mesure mise en place.
Mais dans un nouveau rapport, le directeur parlementaire du budget (DPB), Yves Giroux, croit que le gouvernement n’en tirera peut-être pas autant. Le bureau de M. Giroux estime les recettes globales pour cette période de quatre ans à un peu plus de 500 millions $, après avoir pris en compte la réaction de certains acheteurs à l’imposition de cette nouvelle taxe.
Mais le DPB prévient que ses estimations et celles du gouvernement pourraient changer en fonction du nombre de ces propriétaires qui devraient effectivement payer la taxe et ceux qui en seraient exonérés — comme un Américain qui posséderait par exemple une résidence secondaire à Whistler, en Colombie-Britannique.
Ajoutez à cela ce que M. Giroux appelle « l’information limitée et incomplète » sur la propriété étrangère d’habitations au Canada, et les chiffres définitifs pourraient bien être très différents des attentes du gouvernement fédéral.
Les entrepôts d’Amazon
Dans un rapport distinct, lui aussi rendu public jeudi, le bureau de M. Giroux estime qu’une proposition du dernier budget visant à percevoir la taxe de vente fédérale (TPS) sur certains produits placés dans les entrepôts d’Amazon rapporterait au gouvernement un peu plus de 1,6 milliard $ au cours des cinq prochaines années.
Cette mesure viserait à éliminer une échappatoire fiscale pour les biens invendus que les commerçants étrangers expédient au Canada, puis stockent dans des entrepôts de traitement de commandes jusqu’à ce que ces biens soient vendus et expédiés à des consommateurs canadiens.
La TPS est perçue sur la valeur de gros des produits lorsqu’ils franchissent la frontière, mais cette taxe de vente n’est pas toujours perçue par les vendeurs lorsque les produits sont ensuite vendus aux consommateurs.
La TPS serait maintenue perçue aussi sur la différence entre le prix de vente final et le prix de gros, déjà taxé.